Avec les beaux jours revient la saison des festivals photo — et avec elle, les opportunités de montrer son travail lors des lectures de portfolio. Que ce soit dans le cadre des Rencontres d’Arles, où ces rendez-vous sont payants, ou lors d’événements comme le festival Circulation(s), actuellement en cours au 104 à Paris et proposant des lectures gratuites, ces moments de confrontation sont précieux pour tout·e photographe en quête de progression.
Montrer ses images, c’est accepter de se dévoiler. C’est une étape nécessaire, parfois inconfortable, mais toujours formatrice. Encore faut-il savoir à qui l’on montre son travail. Choisir un·e lecteur·rice adapté·e à sa démarche, bienveillant·e, capable de comprendre son univers, est essentiel. Car au-delà de la critique, il s’agit de nourrir une réflexion, d’ouvrir des perspectives, et non de freiner une dynamique créative.
Photographe de presse depuis de nombreuses années, j’ai moi-même l’habitude de présenter mon travail à des rédactions, des iconographes, des directeurs photo… Et je continue, chaque saison, à arpenter les festivals pour montrer mes projets, chercher des retours constructifs, décrocher parfois une résidence ou une exposition. Cette expérience, je la partage ici, avec quelques conseils pour vous aider à tirer le meilleur de ces rencontres souvent décisives.
Vous êtes prêt.e.s ? C’est parti!
Une lecture de portfolio, c’est souvent trop court. Vingt minutes, parfois moins. Et ça peut changer pas mal de choses.
Que ce soit à Arles, à Perpignan, à Paris Photo ou dans un festival plus confidentiel, ces rendez-vous sont précieux. Mais il faut les aborder en conscience : le lecteur ne vous attend pas. Il voit passer des milliers d’images, il est parfois blasé, souvent exigeant, et toujours pressé. Cela fait partie du jeu, et il faut l’accepter : dans ce laps de temps, vous devez donner envie, marquer les esprits, et montrer la pertinence de votre travail. Pour cela, il faut être prêt.
J’ai vu trop de photographes arriver sans préparation, ou au contraire, avec une présentation tellement verrouillée et prétentieuse qu’elle en devenait ridicule.
Voici donc un gpetit uide pratique, sincère et sans fard, tiré de mes expériences personnelles — bonnes ou mauvaises — pour préparer une lecture de portfolio avec méthode, humilité, et une vraie efficacité.
N’essayez pas de tout montrer. Ce n’est ni le moment, ni le lieu. Concentrez-vous sur une série forte. Si vous tenez absolument à en montrer une deuxième, assurez-vous qu’elle apporte un éclairage nouveau sur votre travail — mais ne débordez jamais. Le principe est simple : « less is more ».
👉 Éditez sévèrement : 30 images maximum. Sans redondance. Chaque photo doit avoir sa place et son rôle dans la narration.
👉 Construisez une scénographie fluide : organisez vos images comme un fil narratif cohérent. Vous racontez une histoire, pas un patchwork d’images.
👉 Préparez un titre et un court texte de présentation : pas besoin d’un long laïus introspectif. Présentez le projet, donnez quelques clés, et surtout… cultivez une part de mystère. Laissez l’image parler. L’art, c’est aussi de savoir ne pas tout dire.
Le support, c’est souvent une question d’environnement.
Oubliez les livres imprimés ou les tirages d’art sous gants blancs. Ça fait chic, mais c’est souvent contre-productif. Une lecture de portfolio n’est pas un vernissage. Quand je vois un photographe sortir ses tirages en piezographie en m’expliquant longuement sa technique, je me dis souvent que ça masque autre chose. C’est la photo qui compte, pas l’impression.
Optez pour une tablette ou un ordinateur avec une interface simple (Lightroom, Canva, PDF plein écran…), fluide, sans distractions.
Si la lecture se fait en extérieur, comme lors des Voies-Off des Rencontres d’Arles dans la cour de l’Archevêché, attention aux reflets, surtout si vous présentez vos images sur un ipad ou macbook ! Dans ce cas, oui, vous pouvez sortir des tirages — simples, pas prétentieux. Restez sobres : l’image d’abord, pas le papier.
Arriver en retard, c’est perdre du temps précieux et donner une mauvaise impression. Soyez en avance. Respectez le planning, c’est la moindre des politesses dans un cadre pro.
Lorsque vous participez à des sessions de lecture de portfolio, vous n’êtes pas tout seul.e, Il ya bien souvent plein d’autres photographes qui sont là, qui attendent comme vous.
⚠️ Si la personne avant vous est toujours attablée avec le lecteur alors que le temps est passé, ne mettez pas la pression en vous rapprochant trop près ou interpellant la ou le photographe. (imaginez que ce soit vous… Un peu d’empathie que diable!).
Cherchez plutôt du regard, les équipes qui sont là et qui veillent au respect du temps.
Trop de photographes arrivent sans savoir qui ils vont rencontrer. Grosse erreur.
C’est vous qui choisissez aussi vos lecteurs·rices. cela marche dans les deux sens. Ne perdez pas votre temps avec un frustré égotique et toxique qui se venge sur les pauvres photographes de sa carrière manquée. (Oui, il y en a. Plein même.)
Demandez autour de vous. Ciblez les regards bienveillants, les gens ouverts, à l’écoute. Et surtout, renseignez-vous sur leur parcours, leurs attentes. Vous pourrez mieux adapter la discussion.
⚠️ Fuyez ceux qui vous malmènent, qui vous parlent mal. Il ont déjà trop de choses à régler avec eux meme avant de pouvoir vous aider.
Préparez votre discours : qui vous êtes, ce que vous montrez, pourquoi. Sans tomber dans le pathos. Le mythe de l’artiste maudit, on connaît. Soyez clair.e, direct.e, humble et passionné.e. Donnez quelques repères sans tout livrer.
👉 Conseil bonus : Offrez quelques clés de lecture. Mais pas tout. Cela rendra les choses plus fluides pour votre lecteur, et il aura l’impression d’avoir « compris » votre projet. Sans trop en dire, semez les bons indices.
Et j’insiste, pas de jargon fumeux, et on n’oublie pas d’oublier les analyses psychanalytiques de votre trajectoire d’artiste blessé.e. 🤪
C’est un échange, pas un monologue. Préparez 2-3 questions ciblées : sur leur travail, leur ligne artistique, les possibilités de collaboration. Cela montre que vous êtes impliqué·e et que vous vous projetez.
Le plus important : écoutez vraiment. Ne parlez pas en même temps, ne coupez pas, ne cherchez pas à justifier chaque image.
⚠️ Je fais une parenthèse cruciale: justifier ses photos après une critique de lecteur.trice, c’est le pire !!!
Les types qui face à une remarque, essaient de justifier le pourquoi du raté genre » la lumière était mauvaise », « la fête au Rakja de la veille à Budapest, vraiment elle m’a fait mal, tout est devenu flou », » impossible de le prendre en portrait, il voulait pas »…. Si vous faites ça, et bien vous… VOUS enfoncez!
On vient pour la critique on accepte la critique petit bouddha, un point c’est tout. Laissez venir les retours, même s’ils sont critiques.
Et surtout, ne vous excusez pas de votre travail, et ne devancez pas les réactions des lecteurs.trices
J’ai à ce sujet, une anecdote.
J’étais au milieu de mon projet au long cours sur les formes originales de religions au USA, « In God We Trust ». Et j’ai eu l’opportunité de le montrer lors des lectures de portfolio du festival international Visa pour l’Image ( la Mecque du photojournalisme) au grand Monsieur de la Photo du New York Times à l’époque, James Estrin, un homme imposant et un chef photo très intimidant pour beaucoup. C’est aussi bien sûr le créateur du blog du NYT dédié au photojournalisme, Lens.
En m’asseyant à la table de lecture, j’ai bafouillé un timide : « désolé, c’est pas terminé, c’est un projet en cours ». Il m’a regardé et m’a répondu très simplement : « Alors pourquoi tu me le montres, Cyril ? Reviens quand ce sera fini. » Gloups.
Je me suis repris. J’ai déroulé mon projet avec conviction. L’année suivante, In God We Trust était exposé à Visa.
Moralité : si vous montrez votre travail, croyez-y. Assumez-le. Soyez fier.e.
Un petit objet — carte postale, carte de visite bien conçue, image imprimée — peut être une bonne façon de prolonger la rencontre. Quelque chose de simple, beau, et représentatif de votre univers et qui peut rester sur un bureau ou dans une poche.
Pas une plaquette, pas un dossier, on n’est pas commerciaux, même si parfois ( quel métier!)… Juste un signe, un souvenir visuel.
Entraînez-vous. Avec des amis photographes, avec un mentor, avec des gens toujours bienveillants. Travaillez votre série, votre narration, votre façon d’en parler.
Et si vous avez besoin d’un coup de main, je suis là.
Lecture de portfolio, mentorat, workshop… je propose tout ça par ici, avec des formules à la carte.
Préparer une lecture de portfolio, ce n’est pas juste cocher une case. C’est une manière de poser un regard éclairé sur son propre travail, de choisir ce qu’on veut partager, et une opportunité de rencontrer un regard « bienveillant » qui peut faire avancer votre photographie, pourquoi pas votre carrière.
Et parfois, ces vingt minutes peuvent faire bien plus qu’on ne l’imagine.
Alors soyez prêt.e. Et soyez fier.e. !
Et voilà, c’est tout pour cette semaine ! Si ces articles vous plaisent n’hésitez pas à me le faire savoir en commentaires, c’est le carburant de la motivation.
Bonjour Cyril,
Merci
Cordialement
Frédéric