Le hasard a un sacré sens de l’humour quand on sait où regarder. Je suis sûr que je ne suis pas le seul à penser que certaines des meilleures images sont le fruit de coïncidences pleines d’ironie. « .
Je pense notamment à cette image des forces de l’Ordre pendant une manif du 49.3 qui se tenaient pile devant une affiche montrant un playmobil avec cette tête en forme de casque de … Crs. Bref, c’est exactement ce genre de contrastes qui donne tout son sel à la photographie de rue.
Pour capter ces moments, il faut être à la fois instinctif, désinhibé et concentré pour être prêt à déclencher sans hésiter. Une seconde de retard et la scène s’efface : l’affiche reste seule sur le mur, et moi, je repars, bredouille mais sans le savoir …
Le hasard, quand il se mêle à la photographie de rue, s’invite, sans crier gare et joue à la loterie de l’inattendu. Il nous place parfois au bon endroit, au bon moment… ou nous fait rater le moment crucial, pour bien nous rappeler qu’on n’a jamais le contrôle.
Les planches-contact, preuve irréfutable, montrent bien que Robert Frank, avant de capturer son fameux Trolley – Nouvelle-Orléans » en 1955, était en train de photographier un défilé… dans la direction opposée. Un simple demi-tour, et voilà qu’il tombe nez à nez avec une scène bouleversante : une image brute, inattendue, de la ségrégation dans le Sud profond.
Sans ce petit coup de chance, ce sursaut hasardeux, aujourd’hui, le monde serait aujourd’hui orphelin d’un chef-d’œuvre.
Le hasard a parfois des intuitions géniales.
C’est une idée reçue, surtout chez les débutants photographes, de croire que les grandes images naissent d’un simple coup de chance. Pourtant, en scrutant les planches-contact des maîtres du genre, on réalise vite qu’un cheminement patient et réfléchi mène souvent à l’image finale.
Cela dit, la sérendipité joue un rôle essentiel.
La rencontre fugace entre un sujet, un lieu, une lumière et une composition parfaite, qui ne s’offre que l’espace d’un instant est l’accident providentiel, quête ultime du photographe (de rue). Ces instants suspendus, imprévisibles et éphémères, ne se reproduiront peut-être jamais sous la même forme.
“Un mauvais photographe rencontre le hasard une fois sur cent et un bon photographe rencontre le hasard tout le temps” – Brassaï
La photo de rue, c’est un mélange de flair, d’anticipation, un jeu où l’intuition et l’observation sont reines. Pour capter ces instants fugaces, il faut être en alerte, attentif aux moindres détails…
Comme le dit si bien Matt Stuart dans Pensez comme un Street Photographer : « Plus je pratique, plus je suis chanceux. » Avec l’expérience, on développe un regard aiguisé, une capacité à déceler une expression, un geste, une interaction.
Et pour ça, mieux vaut que l’appareil photo soit une extension naturelle de l’œil, comme le disait Cartier-Bresson. Pas de temps pour chercher un bouton : tout doit être instinctif. Un mouvement, une intuition… clic.
La rue est un théâtre vivant, en perpétuel mouvement, où l’inattendu est roi. En photographie de rue, les imprévus sont légion, mais loin d’être de simples erreurs, ils peuvent devenir nos meilleurs alliés. Après tout, faut-il toujours rechercher la netteté absolue ? Parfois, une image floue vibre plus fort qu’une photo trop sage. L’émotion l’emporte sur la précision, l’accident devient opportunité.
Une rue inconnue empruntée par hasard révèle une scène parfaite, invisible quelques secondes plus tôt. Mais l’un des plus beaux hasards reste la juxtaposition inattendue : quand deux éléments opposés entrent en collision, créant une tension visuelle aussi frappante qu’imprévue.
En photographie de rue, l’accident n’est pas un échec : c’est un cadeau.
“La netteté est un concept bourgeois.” –
Que pensez-vous de la place du hasard ou de la chance en photographie ? A-t-il été déterminant dans votre pratique ? Avez-vous des anecdotes? Partagez vos expériences en commentaire !